La Chapelle

Visite de la chapelle,

2 rue Saint Joseph,

le mardi de 14 h 30 à 17 h

Date de construction : 1767

Architecte : peut-être Antoine Spinelli

Les Pénitents blancs de la Sainte-Croix

, qui furent traditionnellement fondés en 1306, mais probablement plus tard, utilisèrent deux lieux de culte successifs avant de s'installer dans cette chapelle. Tout d'abord, ils furent accueillis dans l' église du couvent des Dominicains. De là, devant l'exiguïté du local, ils décidèrent de faire édifier une autre chapelle, plus vaste, contre l'église Saint-Martin dans le quartier de laquelle ils acquéraient des terrains au moins depuis 1442. Ce fut chose faite en 1518, et l'édifice fut embelli en 1661 et 1684. Il ne reste rien de ces deux premières chapelles. La troisième et actuelle chapelle fut édifiée sur les fondations du premier couvent des Minimes. Les Pénitents blancs achetèrent ces bâtiments , bien détériorés, en 1761, et projetaient d'y établir leur chapelle et leur hôpital . Ils renoncèrent à l'hôpital (qui resta rue François-Zanin) mais conservèrent le projet de la chapelle, qui fut édifiée en 1765-1767. Nationalisée par la Révolution , elle fut rendue aux Pénitents blancs à la Restauration et ils la possèdent encore.

EXTÉRIEUR ET FAÇADE:

La façade a été ajoutée, dans le goût baroque, au XIXe siècle , peut-être en 1875, quand la chapelle connut une grande rénovation . Le fronton au-dessus de la porte est orné du

pélican

, symbole de la Charité, et donc de la vocation caritative de la confrérie. Elle est décorée de deux devises en rapport avec la Croix, titulaire du lieu : «In hoc signo vinces» (dont nous verrons le sens au plafond de la nef) et l'hymne «O Crux ave, spes unica».

INTÉRIEUR: Le plan de l'édifice est d'une grande simplicité , Spinelli (?) devant répondre à deux exigences : concevoir un édifice vaste pour accueillir la confrérie (la plus nombreuse de Nice) et lui donner le caractère d'une chapelle de Pénitents, c'est à dire, sur le modèle des églises d'ordres religieux, ménager un espace , derrière l'autel, propre aux confrères. Sur l'espace disponible , Spinelli a donc opté pour un plan fait de trois rectangles juxtaposés, reproduisant grossièrement une croix : un rectangle en longueur pour la nef, un en largeur pour le chœur, un troisième en longueur pour le sanctuaire . Le rectangle de la nef est divisé en quatre autels latéraux, deux par côté, séparés à droite par la chaire et à gauche par une tribune grillagée. L' originalité de la décoration intérieure repose sur deux thèmes : l'omniprésence de la dévotion à la Sainte-Croix et surtout les motifs floraux qui, en guirlandes , ou en vase , ornent tout l'édifice, piliers, murs, frise, voûte, lui conférant un caractère unique. Des bouquets aux couleurs délicates parsèment ainsi la nef et le sanctuaire, témoignant une fraîcheur qu'on s'attendrait plutôt à trouver dans une villa de campagne de la noblesse niçoise et qui est unique en son genre dans le comté de Nice. Nous sommes là dans un édifice baroque, mais un baroque tardif, plus décoratif qu'axé sur les volumes et les lignes architectoniques. La tonalité dominante de l'édifice est le bleu clair et le gris.

VOUTE DE LA NEF:

Comme nombre d'autres églises niçoises, la chapelle Sainte-Croix ne reçut de

décoration à la voûte

qu'au XIXe siècle, probablement en 1875. Cette décoration se contente de reprendre des thèmes déjà déclinés ailleurs dans l'édifice. Ces thèmes tournent d'ailleurs tous autour de l' histoire de la Croix, en lien avec la Sainte-Croix, titulaire de la chapelle et patronne de la confrérie. Le premier médaillon figure Saint Bonaventure inspiré par la Croix, tableau que nous retrouverons dans le sanctuaire. Le médaillon central montre deux anges portant la devise que l' empereur Constantin fit arborer sur les boucliers de ses soldats à la bataille du pont Milvius (312) pour vaincre son adversaire Maxence : «In hoc signo vinces», (Par ce signe tu vaincras), le signe en question étant la croix. Noter l'erreur de transcription qui a fait écrire OHC au lieu de HOC. Le dernier médaillon représente enfin L'Invention de la Croix par l'impératrice Hélène, la mère de Constantin, épisode que nous retrouverons dans le sanctuaire aussi.

On commence la visite par le bas-côté droit

1- AUTEL DE SAINT MICHEL:

Il porte à son retable un tableau figurant

Saint Michel écrasant le démon

, copie XVIIIe d'un tableau du grand peintre baroque napolitain Luca Giordano, antérieur d'un siècle. Ce tableau est à comparer avec une œuvre très semblable, dans le vestibule du chœur de l'église Saint- Martin- Saint-Augustin , et avec la statue du même sujet, à droite de l' entrée , œuvre naïve XIXe en plâtre dont la tradition de la confrérie dit (sans doute inexactement) qu'elle fut offerte à la chapelle par les gitans de Nice.

2-  AUTEL DE LA MADONE DES SEPT-DOULEURS:

Très remanié au siècle dernier, où il a perdu son autel baroque (remplacé par un autel à colonnettes) et sa décoration florale , il a pour thème décoratif «l'Addolorata», très présent dans les églises du Vieux-Nice. Ainsi, la voûte et les tableaux latéraux portent les instruments de la passion , et la niche centrale une Pietà, bois sculpté du XVIIe. Au passage , remarquer, au pilier de droite, le naïf ex-voto.

3 - TRIBUNE (à gauche) et la CHAIRE (à droite):

Elles présentent une unité décorative en rapport avec la dévotion à la Croix. Cette décoration est conçue comme un évocation des signes annonciateurs de la Croix, et de sa réalisation. Le médaillon de gauche de la tribune porte le T (tau grec) autour duquel s'enroule le serpent d'airain. C'est une allusion à un passage de l' Ancien Testament (Nombres , XX, 4) où les Hébreux dans le désert , punis par des morsures de serpent, seront sauvés en regardant cet édifice érigé par Moïse sur les instructions de Yahvé. Pour les exégètes chrétiens, ce morceau de bois qui sauve est annonciateur de la croix. Le même thème est développé sur le premier médaillon de la chaire, qui figure la colombe de Noé (Genèse, VIII, 6). Tenant au bec un rameau d' olivier par lequel elle annonça à Noé que les eaux avaient baissé, elle aussi porte un morceau de bois qui sauve. Le médaillon central figure, sur la tribune, le pélican, emblème de charité mais aussi image du Christ puisqu'il était réputé donner sa vie (s'ouvrir le ventre) pour nourrir ses enfants , comme le Christ a donné sa vie pour sauver les hommes . Sur la chaire, ce même thème est représenté par le Golgotha. Les médaillons de droite aussi se répondent : à la Croix glorieuse (au milieu des nuées) sur la chaire correspond l'Agneau de la Résurrection (avec une Croix sur l'épaule). Ces deux thèmes concluent en somme l'histoire de la Croix. Au-dessus de la chaire, toujours en rapport avec le cycle de la Croix, un tableau représente une Déposition de croix et en face , au-dessus de la tribune, une Mise au tombeau. Au- dessous, deux vitrines présentent quelques objets du trésor de la confrérie. Noter en particulier sous la chaire la crèche niçoise typique (XIXe), en cire et carton - pâte , conservée à l' année, sous verre , dans les maisons .

4 - AUTEL:

(non dédié) Restauré en 1875, il porte un tableau représentant L'arrestation de Jésus. Devant, une Pietà de Joseph Raimondy, datée de 1853. Raimondy est aussi l'auteur du Saint- Jean-Baptiste des fonts baptismaux de la cathédrale Sainte-Réparate. Noter le prie-Dieu de noyer décoré de deux Pénitents adorant la Croix, ainsi que leur image en tôle peinte, destinée à orner les reposoirs au siècle dernier. La grande croix de bois porte à son sommet le pélican, emblème de la confrérie.

5 - AUTEL DE LA NATIVITÉ DE LA VIERGE:

autel corporatif des tisserands Autel en bois doré dédié à la Nativité de la Vierge, fêtée le 8 septembre, très populaire dans le comté de Nice. Il semblerait qu'il ait été utilisé par la corporation des métiers du tissu, dont la Nativité de la Vierge était la protectrice.

6 - LE CHOEUR

A la voûte, en calotte, quatre évangélistes sont figurés , avec leurs symboles. Le maître-autel a été remanié dans les années 1960, pour satisfaire aux exigences du concile de Vatican II. Il faut rappeler que, jusqu'aux années 1960, le prêtre disait la messe dos à la nef, donc face à l'autel... et aux confrères. Cette façon de «confisquer» comme un privilège certaines manifestations du culte est fréquente dans les traditions ou les pratiques des confréries. Ainsi, outre la disposition face au prêtre (aujourd'hui disparue puisque la messe est célébrée face à la nef), on peut noter la présence des Pénitents, dans l'iconographie, du côté droit de la Vierge et du Christ (gauche pour le spectateur), qui est le côté noble, ou bien, dans les processions, la position du crucifix, dont le Christ n'est pas tourné vers la tête du cortège, mais vers les Pénitents qui le suivent. C'est un peu comme si, par leur position intermédiaire entre les laïcs et les religieux, les confrères «confisquaient» à leur profit la proximité du regard ou de la présence divine. C'est bien peu charitable, mais ô combien humain. Le devant d'autel, orné du pélican (XVIIIe), a été déplacé vers la nef. Aux parois latérales, diverses plaques commémoratives rappellent la construction et la dédicace de la chapelle en 1765-1767, sa restauration en 1875 et le jubilé d'un des aumôniers de la confrérie en 1983. La grande croix d'argent dominant l'autel a été fondue à Paris en 1838. Elle est surmontée du pélican. Elle prend naissance dans un crâne , qui signifie à la fois que de la Mort naît la Vie (la croix est l' Arbre de Vie), et rappelle que le mot Golgotha, en hébreu, signifie « Mont du Crâne».

7 - LE SANCTUAIRE

C'est là, que, sur le modèle des ordres religieux qui initialement créèrent les confréries, sont établies les stalles destinées aux Pénitents. Au centre , un lutrin porte deux livres d'offices exactement contemporains de la chapelle (1767, imprimés à Venise ) : un psautier (livre de psaumes), un antiphonaire  (livre d'antiennes). Écrits en gros caractères, ils étaient manipulés par un frère agenouillé devant le prieur, lequel conduisait la prière de sa place , au centre du banc. Cette place est marquée de la croix de la confrérie et des symboles des quatre évangélistes. Dans l'autel est encastré un bas-relief portant une Vierge de Miséricorde encadrée par saint Pierre (avec les clés) et saint Paul (avec l'épée). Remarquer, à la droite de la Vierge, côté noble s'il en est, les Pénitents en cagoule, agenouillés. Dans les pupitres sont installés divers meubles de procession, bâtons ou lanternes. Trois grands tableaux ornent les parois. Au centre, le plus important, figure L'invention de la Croix par l'impératrice Hélène (peint à Rome en 1684, anonyme). Le mot «invention» est pris au sens ancien de découverte. Ce tableau figurait dans l'ancienne chapelle, voisine de l'église Saint-Martin-Saint-Augustin. Il représente l'épisode suivant : en 326, l'impératrice Hélène, voulant faire édifier une basilique sur le Golgotha, voit apparaître au jour des morceaux de bois. On les identifie comme étant la Vraie Croix car ils guérissent les malades qui les touchent. Hélène, en manteau d'hermine et couronne, apparaît à gauche de la croix, les miraculés à droite. Ce motif a été exactement repris dans le troisième médaillon de la nef. L'Invention de la Croix, fêtée le 4 mai, a été la fête patronale de la confrérie jusqu'à la réforme du calendrier, en 1969. A droite, Saint Bonaventure inspiré par la Croix (XVIIIe). C'est à un double titre que saint Bonaventure (1221-1274, franciscain, cardinal, canonisé en 1482) figure ici. D'une part, ayant encouragé la fondation du tiers-ordre franciscain (prélude aux confréries), il est considéré comme le patron de celles-ci, en général. D'autre part, son œuvre théologique a fait une large place à la dévotion à la Croix : «La croix est un arbre de beauté; sacré par le sang du Christ, il est plein de tous les fruits». Il a donc toute sa place dans une chapelle de confrérie dédiée à la Sainte-Croix. Le tableau a été exactement copié dans le premier médaillon de la nef. A gauche, un saint non identifié en adoration devant la Croix et l'Agneau (qu'on devine dans l'angle supérieur gauche). Au-dessus du tableau central, un médaillon porte une tête de Père éternel, œuvre de Charles Van Loo (XVIIIe). La voûte du chœur est en coupole aux ouvertures en trompe-l'œil, révélatrice de la recherche baroque de l'effet. Elle seule est probablement contemporaine de la construction. Au centre, entourée d'une fausse maçonnerie peinte, la Croix glorieuse qui s'élève dans les nuées. Sa fête, le 14 septembre, est devenue la fête patronale de la confrérie depuis la réforme du calendrier. Dans les quatre «angles» figurent, toujours séparés par la fausse maçonnerie et comme s'envolant vers les nuées, des angelots portant les instruments de la Passion du Christ, c'est à dire tout ce qui servit à préparer son supplice et sa mort sur la Croix.

7 (suite) - L'AUTEL ET LE SANCTUAIRE

Là où c'était possible, les cha­pelles de Pénitents disposent donc d'un sanctuaire placé derrière l'autel, et destiné à recevoir les confrères exclusivement.

Cette disposition rappelle bien sûr les églises conventuelles. Souvent, les confréries ont été fondées par des ordres religieux qui avaient ainsi établi le plan de leurs églises.

Il faut cependant rappeler que, jus­qu'aux années 1960, le prêtre disait la messe dos à la nef, donc face à l'autel... et aux confrères. Cette façon de «confisquer» comme un pri­vilège certaines manifestations du culte est fréquente dans les tradi­tions ou les pratiques des confréries. Ainsi, outre la disposition face au prêtre (aujourd'hui disparue puisque la messe est célébrée face à la nef), on peut noter la présence des Pénitents, dans l'iconographie, du côté droit de la Vierge et du Christ (gauche pour le spectateur), qui est le côté noble, ou bien, dans les pro­cessions, la position du crucifix, dont le Christ n'est pas tourné vers la tête du cortège, mais vers les Pénitents qui le suivent.

C'est un peu comme si, par leur posi­tion intermédiaire entre les laïcs et les religieux, les confrères «confis­quaient » à leur profit la proximité du regard ou de la présence divine. C'est bien peu charitable, mais ô combien humain.

LES VÊTEMENTS DES PÉNITENTS:

Ce vêtement, qui aujourd'hui paraît étrange et fait injustement associer les confréries à des sectes se décompose en trois parties : la capa (en niçois), ou sac, la cagoule et la corde. Chaque partie a un sens symbolique. La «capa» est le symbole de l'égalité puisqu'elle gomme les différences sociales perceptibles dans le vêtement «profane». Elle signifie aussi un changement d'état de celui qui la porte, intermédiaire entre les laïcs et les prêtres. La cagoule est le symbole de l'humilité devant Dieu (le pécheur cache ses traits) et devant les hommes (le bienfaiteur cache aussi ses traits). Elle n'est plus portée dans le comté de Nice depuis la fin du XIXe siècle. La corde est le symbole de l'obéissance aux commandements de Dieu et de sa sanction. Autrefois, un petit fouet y était attaché, mais les pratiques d'expiation publique furent interdites par l'Eglise au XVIIIe siècle.