Maintenance 2015

 RECEPTION VILLA MASSENA : DISCOURS DE CHRISTIAN ESTROSI

Procession des confréries de Pénitents de France et de Monaco à Nice

Christian Estrosi, Député–Maire de Nice, Président de la Métropole Nice Côte d’Azur, a participé à la « maintenance », nom donné au rassemblement de toutes les confréries de Pénitents qui a lieu, une fois par an, dans une ville du Sud de la France.

Tout au long de la journée, à Nice, en présence de Monseigneur André Marceau, Evêque de Nice, et de 170 Pénitents, les niçois ont pu découvrir le patrimoine de la région : ses musées, ses chapelles mais aussi son panorama d’exception.

Retrouvez ci-dessous le discours de Christian Estrosi, Député-Maire de Nice, Président de la Métropole Nice Côte d'Azur, lors de la maintenance des confréries de pénitents :

« Bienvenue à Nice

En vous accueillant ici, à Nice et dans cette villa Masséna qui est aussi notre musée d’histoire, je respecte une tradition à laquelle aucun de mes prédécesseurs n’a manqué, quand la maintenance s’est tenue à Nice, en 1967, en 1975, en 1993, et encore en 2004. Je sais que vous êtes attachés, à cette tradition, comme vous êtes attachés à cette maintenance qui vous permet de vous réunir, chaque année, dans une ville ou un village de notre beau Midi de la France et en principauté, pourvu qu’il abrite au moins une confrérie.

Maintenance, c’est un bien beau mot. Maintenir, dans la tempête de l’histoire et de l’actualité, c’est une belle tâche, souvent difficile, parfois plus difficile même que de créer. Au fond, créer, c’est une affaire de coup d’œil, d’opportunité, de talent. C’est immédiat, c’est satisfaisant. Créer, c’est agir à l’échelle de la vie d’un homme. Mais maintenir, c’est une affaire de patience, de courage, de solidité, de conviction, malgré le découragement, la lassitude, parfois l’hostilité. Maintenir, c’est agir à l’échelle de l’histoire, une échelle qui nous dépasse et nous oblige à nous dépasser, à penser au-delà de nous-mêmes, comme la doctrine chrétienne enseigne à aimer plus que soi-même. Elle est bien belle –et aussi bien présomptueuse-, cette devise de la maison royale des Pays-Bas : « Je maintiendrai ». Mais nous savons, vous et moi, qu’ils ne l’auraient peut-être pas choisie s’ils n’étaient pas issus des princes d’Orange, c'est-à-dire de notre terre du Midi.

Et puisque je parle de tradition, et que nous sommes dans un musée d’histoire, c’est d’abord ce legs du passé, ce patrimoine que je voudrais évoquer.

Nous ne sommes rien sans le passé. Ici, dans cette terre méditerranéenne qui nous unit tous, de Perpignan à Bonifacio, jusqu’à Gérone et en Ligurie, nous sommes les héritiers d’un long et riche passé. Un passé profane, issu de la culture gréco-latine. Et un passé spirituel, marqué surtout par le catholicisme. Qui veut comprendre notre territoire, malgré ses différences historiques, -la Catalogne, le Languedoc, le Limousin, la Normandie, l’Auvergne, la Provence, le Comtat Venaissin, le comté de Nice, la principauté de Monaco, la Corse, la république de Gênes ne sont pas réductibles à une histoire politique commune-, doit comprendre que ce passé spirituel l’a profondément marqué, ce territoire, et l’a profondément uni. Vos confréries sont les témoins de cette union profonde. Le sens de la solidarité, de la spiritualité, du partage qui est essentiel dans notre culture, vous le puisez là, dans l’histoire religieuse. Et loin des querelles interminables et stériles qui opposent laïcité et foi, vous êtes aussi l’exemple de ce que ces deux parties du cœur et de la raison humaine peuvent produire de meilleur en fonctionnant de concert : la prière partagée, dans la recherche de la paix et de l’élévation de l’âme ; l’action sociale, dans la recherche de la justice et de la fraternité.

Au-delà de mes convictions personnelles, c’est parce que je sais l’importance de cet héritage que je ne suis pas de ceux qui renient les racines catholiques de la France, même si je n’ignore rien de l’apport d’autres cultes et d’autres philosophies à notre vivre-ensemble d’aujourd’hui, et je pense notamment à l’extraordinaire floraison du judaïsme, sous la protection des papes, dans le comtat Venaissin. Mais je crois, profondément, que ce que la foi catholique a apporté à tous les Français, comme à tous les hommes et à toutes les femmes de ce monde, est un bien précieux, incontestable, qu’il convient de défendre et de porter plus haut encore.

Oui, nous ne sommes rien sans le passé, et sans ce passé-là, en particulier, qui structure toute notre vie, qu’on le veuille ou non –et moi, je le veux.

Ce passé est aussi une leçon de présent, et d’avenir.

Je suis l’heureux maire d’une commune qui abrite quatre confréries ; je suis l’heureux président d’une métropole qui abrite, en outre, six autres confréries. Eh bien je veux ce soir en porter témoignage : ici, à Nice, comme dans ce territoire métropolitain, qui commence sur la rive de la baie des Anges et culmine au sommet des Alpes, la présence des confréries, vivantes, actives, est pour moi essentielle. Ces confréries, ce ne sont pas les plus anciennes, je le sais et je salue l’antériorité des confréries aixoises et avignonnaises sur les confréries niçoise. Mais ces confréries, toutes vos confréries, si elles sont essentielles aujourd’hui, c’est parce qu’elles pratiquent toujours les vertus qu’elles ont inventées ou réinventées hier.

Car qui a élaboré et constamment perfectionné l’idée associative, avec son enracinement local, ses procédures transparentes, son fonctionnement encadré par des statuts, sinon les confréries ?

Qui a été une des premières institutions à faire revivre l’idée démocratique, un homme (ou une femme d’ailleurs) égale une voix, chacun participe à l’élaboration du projet commun, chacun participe aux choix des dirigeants, sinon les confréries ?

Qui a inventé le principe même du mutualisme et de la protection sociale par répartition, sinon les confréries ? Je me souviens de ce que me racontait un de mes amis les plus chers, qui n’est plus là aujourd’hui et qui me manque tellement, Clément, Clément Piazzotto, qui fut une des figures des confréries de Saint-Etienne-de-Tinée : que l’idée même de mutualité et de répartition était née de la première mission historique des confréries, l’enterrement des morts. Par nature, les morts sont enterrés par les vivants, et quand ceux-là même mourront, ce seront les vivants qui les enterreront. C’est ce que les confréries de Saint-Etienne-de-Tinée ont fait pendant des siècles, comme vous tous, et encore aujourd’hui. Or, les actifs qui cotisent pour les retraités, avant que, devenus eux-mêmes retraités, ils soient pris en charge par les nouveaux actifs, qu’est-ce que c’est, sinon l’application de ce principe à la Sécurité sociale ?

Qui, au fond –et je le dis en souriant, bien sûr-, a inventé la République ? Alors, le droit d’association, l’idée démocratique, le principe de solidarité sociale, ce ne sont pas des idées mortes. Ce ne sont pas des idées d’hier. Ce sont des idées qui doivent être portées aujourd’hui, comme vous les portez dans toutes vos œuvres, dans vos villages et dans vos villes. Ce sont des idées qui doivent inspirer, comme vos confréries doivent être des exemples. Car vous n’êtes pas seulement des témoins, vous êtes aussi des acteurs.

C’est pour cela que vous accueillir à Nice est plus qu’une tradition. C’est un honneur, l’honneur qu’on doit aux plus anciens, non parce qu’ils ont survécu seulement, mais parce qu’ils ont en eux un trésor de confiance –et ce mot a les mêmes racines que le mot foi- et de sagesse.

Alors, je veux ce soir vous remercier de l’honneur que vous faites à Nice.

Merci d’avoir choisi Nice pour y déposer quelques heures durant votre trésor de foi.

Merci d’avoir choisi Nice pour y faire vivre la nécessité du partage.

Et merci, quand tant de gens sont désespérés, d’avoir choisi Nice pour faire vivre votre espérance. »